Je suis le maigrichon encapuchonné, là sur ta gauche, tu vois maintenant ? Tu ne me tournais même pas le dos. Mais à quoi bon récriminer, ferme les yeux et oublie les images, tu n’en as plus besoin et l’obscurité t’ouvrira les oreilles.
Tout ceci n’est qu’un rêve, c’est vrai. Mais qu’est-ce que ça change au fait que tu sois là avec moi et que je te parle ?
Écoute. D’abord, il y a les explosions et les projectiles, les drones et les camions, tout ce qu’il faut. Les autres sont presque tous là pour raconter des histoires, mais moi, je suis là pour faire, et quand j’aurai terminé il y aura pas d’histoire qui te puisse sauver, un faux détour t’aura fait, mon pote, et tu l’auras fait de mauvaise foi, va, tu le sais aussi bien que moi.
Alors tiens-moi ça une seconde, ce sera plus vite fait.
T’es pas prêt pour en finir ? Et puis ? Est-ce qu’on te demande ?
Te détromper, voilà mon office, et sur plein de choses pas minimes comme qui détient le pouvoir, qui a le droit de parole, qui vient, qui voit et qui meurt. Grâce à moi, tu vas apprendre le patois. Première leçon : c’est pas toi qui décide, surtout pas pour qui et quand sonne le glas, c’est nous mainenant, c’est-à-dire ton humble serviteur.
C’est moi qui fais chanter la sirène, c’est moi qui mène la danse, et c’est toi qui vas sauter tout-à-l’heure.
C’est moi depuis longtemps, tu le sais bien, c’est à cause de moi que tu lis, que tu écris, que tu parles, parles, que tu t’enfermes chez toi, que tu fermes les yeux, que tu te bouches les oreilles, que tu serres les lèvres, ah, que les soupirs sont durs à retenir, mais pourquoi se forcer, puisqu’on se comprend si bien ? Gémis, pleure, ça soulage quand les choses te percent à l’endroit des feuilles, des oreilles mortes, non ?
Donne. Allons, un petit effort, quand-même, lâche prise, c’est comme au tango, moi l’homme, toi la meuf, laisse-toi faire tu le veux aussi, je te nique tout doux, tu vas pas souffrir, même presque pas remarquer, et surtout tu n’auras pas à voir du sang, je t’assure, tu seras déjà en bas quand ça coule.
Tu peux me croire. Je ne mens presque jamais, moi, et là maintenant je ne te dis que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.