Amours

Je ne vous dirai pas que je vous attends depuis la nuit des temps, que je n'ai jamais aimé rien ni personne comme je vous aime, que je naquis en vous et que je vis seulement pour être baptisé chaque jour dans votre limphe, nourri par la pulsation de vos veines et soutenu par votre souffle, uni à vous jusqu'à ce que la mort nous sépare. Je ne chanterai pas les louanges de vos cheveux, de vos lèvres, de votre cœur, de votre peau, ni de votre esprit. Je ne dépouillerai pas les bibliothèques des anciens pour arracher des versets d'amour à des œuvres désarmées, remâchées sans égard pour leur amertume puis rendues sur le pas de votre porte, fièrement.

Fie de tout cela. Je ne vous dirai rien que la vérité, mais toute la vérité. Vous ne quitterez pas le monde sans l'avoir apprise, je vous le dois, ma gratitude ne connaît pas de bornes, car sans vous je ne serais pas au monde, je ne vivrais pas, je n'aurais rien du tout.

Avant de vous connaître, je végétais dans le seul but de survivre. Je n'avais ni fin ni moyens, rien qu'un commencement inconnu, une existence atone et une envie sourde et persistante de poursuivre un bien-être dont je n'arrivais pas à pressentir en quoi il consisterait.

Notre rencontre me délivra d'un coup de toutes les incertitudes. Je sentis que je voulais uniquement et absolument une seule chose : m'unir à vous.

Je n'ai pas demandé si vous le vouliez aussi, cela est vrai, mais sans votre accueil nous n'aurions jamais pu atteindre le point où nous en sommes.

Maintenant je sens bien vos efforts de me repousser et je regrette beaucoup de vous peiner, mais il est trop tard pour changer le cours des choses. Encore un instant, mes amours, un tout petit instant. Fermez les yeux, calmez-vous, sentez le battement des veines, sentez le courant qui circule et sentez-moi dans ce courant, légion d'amour heureuse et victorieuse.

Ah, la beauté du corps, ah, la vie qui triomphe de tout. Rendons-nous, mes amours, plongeons ensemble, coulons et dissolvons-nous dans l'océan de la vie.

C'est tout comme si le petit archer de Vénus nous avait visé, nous n'échapperons pas, nous brûlerons jusqu'aux cendres. Chaos, Érèbe, Éros, Gaïa, Nyx, Héméra, les Moires et toutes les divinités du ciel, de la terre et de l'eau le veulent, et votre Dieu ne pourra pas rejeter une prière qui monte à lui du cœur même de son créé. Il nous unira à jamais, votre Dieu, et il bénira les fruits de notre union, même Sa toute-puissance ne peut surmonter le pouvoir de l'amour.

Pour cela je ne chanterai pas un hymne lourd de fleurs poétiques à vous, mais un hymne imprégné de vérité à l'amour.

Comme tu es beau, mon amour, vigne du ciel, source de l'univers, bouche de miel d'où coulent toutes les rivières, mer vineuse dans laquelle elles vont consommer leur dernière ivresse. Ô amour, commencement et but, père de tous nos enfants, mère de toute existence, patrie de la paix, auberge de toutes les solitudes, chanvre et linteau. Bien que tu sois aussi la racine de la guerre, la mort de la lucidité, l'architecte des cages dorées et le bourreau de la joie, tes fléaux ne sont rien comparées aux jouissances que tu répands. En ta présence, il n'y a pas d'hymne assez haut et profond, ô amour, qui nous nourris et étanches notre soif. Gloire à toi, amour, qui meut le soleil et les autres étoiles, comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.